Les lubrifiants et les fluides


 

5 - La lubrification

Le frottement est un phénomène passif dû à la structure de la matière qui s'oppose au mouvement. Le but du graissage est d'éliminer le contact direct entre deux corps solides (frottement sec), responsable de l'usure et d'une grande déperdition de travail sous forme de chaleur. Le frottement entre deux corps dépend de leur dureté et surtout de l'état de leurs surfaces. Le contact ne s'établit jamais sur la totalité de celles-ci, mais uniquement au niveau des rugosités qu'elles présentent. Dans ces points s'exercent des pressions spécifiques très élevées avec une forte élévation de la température.

Ces deux phénomènes provoquent la fusion des points de contacts et des micro soudures entre les deux surfaces. Dans ces conditions, l'effort nécessaire pour provoquer le glissement augmente proportionnellement à la pression exercée sur les deux corps : une forte pression donne un coefficient de frottement élevé.

On préfère souvent utiliser deux métaux différents, car en cas de grippage, l'usure est ainsi limitée au métal le plus tendre. Si on interpose entre deux surfaces en mouvement réciproque une substance fluide, celle-ci joue pendant un certain temps le rôle de coussinet et évite le contact direct.

Trois types de frottements

Dans ces conditions, la force de traction correspond à l'effort de glissement entre les couches fluides. La force de traction est égale à l'énergie dissipée par le mouvement des molécules de fluide qui, à l'intérieur du film, n'adhérent pas aux surfaces.

Elles sont soumises à une action d'écrasement et à un mouvement de roulement qui provoquent une augmentation de la température. Le comportement des molécules de lubrifiant est semblable à celui de billes élastiques interposées entre deux surfaces. Pour qu'elles puissent résister à l'écrasement, il faut que la force de cohésion entre molécules (viscosité) soit très élevée et ne diminue pas sous l'effet de la température ou du mouvement.

Si la viscosité devient insuffisante pour assurer une réaction élastique égale à l'action de compression s'exerçant sur les deux surfaces, les deux pièces entrent en contact. À ce moment-là intervient une autre caractéristique du lubrifiant : l'onctuosité, ou capacité d'adhérer fortement aux surfaces métalliques; le graissage n'est plus assuré par le coussinet d'huile, mais par les deux couches qui adhérent aux surfaces.

Des surfaces parfaitement polies pourront supporter des charges supérieures et accepter un jeu plus faible sans risque de frictions entre les pièces. En ce qui concerne les cylindres des moteurs alternatifs, une légère rugosité est considérée comme souhaitable pour favoriser un rodage plus rapide et plus sûr. On réalisera ainsi simultanément le polissage du cylindre et l'appairage piston – cylindre.

5.1 - Le système de graissage

Le système de graissage doit non seulement éviter tout contact direct des corps solides et réduire le coefficient de frottement, mais aussi refroidir les surfaces, éviter la corrosion, rendre inoffensives les substances susceptibles d'apparaître en cours de fonctionnement, comme par exemple, les produits de la combustion dans un moteur, et favoriser l'étanchéité entre les pièces en mouvement relatif. Il existe différents moyens permettant d'amener le lubrifiant au contact des parties en mouvement d'un ensemble mécanique. Le choix sera dicté autant par l'architecture du moteur que par les exigences relatives à la quantité et à la température de l'huile. On distingue entre autre :

·  Le graissage par graisseur : la graisse, enfermée dans un dispositif spécial, est injectée entre les surfaces intéressées sous pression;

·  Le graissage goutte à goutte : l'huile s'écoule par gravité au-dessus de la zone à lubrifier;

·  Le graissage par barbotage : l'huile, contenue dans un récipient placé sous les pièces à lubrifier, est projetée sur celles-ci par l'intermédiaire d'un dispositif tournant qui plonge dans le récipient;

·  Le graissage forcé : l'huile est canalisée vers les pièces à lubrifier par un circuit sous pression.

Le plus simple et le plus économique à construire est le système dit « par barbotage » : il permet le graissage de tous les mécanismes fonctionnant partiellement immergés dans le lubrifiant (boîte de vitesses, différentiel). Lorsqu'il s'agit d'un moteur, la distribution de l'huile est déterminée par les parties en mouvement qui, plongeant alternativement dans le lubrifiant, le projettent à l'intérieur du bloc. Ce résultat est parfois obtenu grâce à des cuillères fixées sur le vilebrequin ou la tête de bielle.

Parties du moteur nécessitant un graissage

Cependant, le barbotage provoque des pertes de puissance assez considérables. En outre, son efficacité dépend de la quantité d'huile présente dans le carter. Il s'est révélé incapable d'assurer une répartition suffisante d'huile dans les moteurs modernes, dont l'architecture est de plus en plus complexe, ce qui a motivé son abandon.

Plus efficace, le graissage par huile perdue : après avoir remplacé le système par barbotage, il connut pendant longtemps de larges applications en automobile et en motocycle grâce à sa simplicité. Schématiquement, il est constitué par un réservoir à partir duquel l'huile est envoyée (à l'aide d'une pompe ou par l'intermédiaire de la pression fournie par l'échappement) à un distributeur qui dose et distribue le lubrifiant par des graisseurs spéciaux.

Dans les moteurs modernes, où les contraintes mécaniques et thermiques plus élevées imposent un graissage particulièrement intense et sûr dans n'importe quelle condition de fonctionnement, on est obligé de recourir au graissage forcé par pompe.

L'huile, aspirée dans le carter, circule dans des canalisations ménagées dans les pièces. Récupérée après utilisation et refroidie, elle est remise en circulation. Le graissage sous pression offre différentes variantes selon le mode de récupération et de stockage du lubrifiant. Dans la plupart des moteurs de série, c'est la partie inférieure du carter qui joue le rôle de réservoir. L'huile qui ruisselle des surfaces lubrifiées tombe par gravité dans le carter où elle est refroidie avant d'être à nouveau aspirée par la pompe.

Le tuyau d'aspiration de la pompe devra toujours être complètement immergé, quelles que soient les secousses que l'huile subit au moment des accélérations. Cette condition fondamentale est difficile à satisfaire, surtout pour les voitures à moteur transversal, dans lesquelles, sous l'action de la force centrifuge et du roulis, la masse liquide subit dans les tournants des déplacements considérables. Pour éviter ces inconvénients, on recourt au graissage par carter sec (procédé utilisé en Formule 1), caractérisé par son réservoir d'huile séparé du groupe moteur. Il nécessite deux pompes, une pour amener l'huile aux points à lubrifier, l'autre pour récupérer l'huile qui s'égoutte des parois et la renvoyer au réservoir.

Graissage à carter sec

Le système à carter sec équipe actuellement tous les moteurs de compétition ainsi que certaines voitures de série aux performances élevées. Les avantages sont multiples : constance absolue des quantités de lubrifiant prélevées par la pompe d'alimentation; suppression du carter inférieur, ce qui permet d'abaisser le moteur; possibilité de disposer d'une plus grande quantité de lubrifiant et de le refroidir d'une manière plus efficace.

Pompe d'un circuit de graissage sur une voiture de compétition. Le radiateur est visible à l'arrière plan.

5.2 - Le graissage du vilebrequin

Dans les moteurs automobiles à graissage par pompe entraînée par le moteur, le débit d'huile est toujours proportionnel à son régime de rotation, ce qui est très satisfaisant car  la demande en huile croît avec le régime. Lorsque le moteur est froid, la pression du circuit dépend exclusivement de l'étalonnage du clapet de décharge.

La pompe débite toujours en effet, une quantité supérieure aux besoins pour compenser d'éventuelles pertes de charge, dues soit à la faible viscosité d'une huile trop chaude, soit à l'augmentation du jeu dans les moteurs usés. L'huile injectée sur les coussinets du vilebrequin parvient de ceux-là aux coussinets de bielle.

Ces pièces qui sont les plus délicates du moteur, supportent les plus fortes contraintes; elles devront donc être soigneusement lubrifiées. Leurs dimensions sont d'ailleurs étudiées en fonction de leur graissage possible. Dans le calcul de la section et de la largeur d'un arbre interviennent non seulement les problèmes de résistance de la pièce aux différentes contraintes, mais aussi le graissage et le refroidissement éventuels.

Il est intéressant de considérer plus en détail les relations existant entre la pression, la viscosité et le jeu dans le graissage d'un palier. Lorsque le moteur tourne à un certain régime, le graissage du coussinet est essentiellement hydrodynamique, puisque la rotation excentrique de l'arbre (due à l'existence inévitable d'un faible jeu) le fait agir à l'intérieur du palier comme une pompe, ce qui entraîne une augmentation considérable de la pression de la couche d'huile entre les surfaces.

Dans ces conditions, la pression d'huile à l'intérieur du palier est d'environ 80 atmosphères, valeur très supérieure à celle de la pression existant dans le circuit (toujours inférieure à 8-10 atmosphères). Ce n'est donc pas l'action directe de la pression engendrée par la pompe qui soutient l'arbre. La pompe remplace le lubrifiant qui s'est écoulé entre les deux surfaces, et dont l'épaisseur dépend uniquement de la viscosité de l'huile.

Ce qui importe ici, ce sont les variations de pression par rapport à la valeur normale dans un moteur donné, qui correspondent aux variations de viscosité de l'huile. Si le manomètre indique une valeur supérieure à la normale, cela signifie que l'huile est trop visqueuse (ou que le clapet de décharge ne s'ouvre pas correctement); à l'inverse, si la valeur lue est trop basse, cela signifie que l'huile est devenue trop fluide (si la mesure est effectuée à chaud) ou qu'il existe un jeu excessif (si la mesure est faite à froid).

Graissage du vilebrequin

Graissage du piston

Pour être plus sûr et plus efficace, le circuit de graissage doit comporter certains accessoires tels qu'un filtre et un échangeur de chaleur, en plus des prises pour les différents indicateurs (témoin de pression minimale, manomètre, thermomètre).

Le filtre débarrasse le lubrifiant de toutes les impuretés qu'il porte en dispersion (particules de carbone, résidus de la combustion, ou particules métalliques provenant de l'usure ou du rodage). Il est indispensable que l'huile soit filtrée en permanence car  la présence d'impuretés peut endommager les surfaces et en accélérer l'usure. Les schémas montrent les deux montages les plus habituels de la cartouche sur le circuit. À gauche : montage en série, permettant de réaliser un filtrage total ; à droite : montage en parallèle.

Deux différents types de filtres

Les impuretés sont fixées par barbotage dans une cartouche, ou plus rarement, par différence de densité (filtre centrifuge). Le filtre peut être monté sur le circuit en série ou en parallèle. Dans le premier cas, il a l'avantage de filtrer l'huile sur le trajet pompe-moteur, mais l'inconvénient de causer une perte de charge dans le circuit. De plus, en cas de colmatage, la régulation du débit sera directement affectée.

Dans le montage en parallèle, le filtre est disposé sur un circuit séparé, de telle sorte que seul l'excédent est filtré. Un échangeur de chaleur refroidit l'huile après son utilisation. Dans la plupart des cas, sa fonction est remplie par le carter inférieur.

On utilise un radiateur supplémentaire (monté habituellement en parallèle sur le circuit) uniquement pour les moteurs soumis à des contraintes importantes ou travaillant à une température élevée (tout terrain, voitures de sport, moteurs refroidis par air).

Lorsque le graissage est à carter sec, par contre, le radiateur d'huile s'avère indispensable, car il n'est pas possible d'obtenir autrement un refroidissement efficace. Dans les groupes boîte – différentiel des voitures de compétition, où les contraintes sont très élevées, il faut également prévoir un radiateur d'huile. Lorsque le graissage ne s'effectue pas à huile perdue (c'est-à-dire lorsque la même quantité d'huile recyclée lubrifie en permanence un mécanisme), il faut veiller à remplacer périodiquement le lubrifiant usé.

Une température de fonctionnement élevée favorise aussi le vieillissement rapide du lubrifiant et en réduit considérablement la viscosité. Les huiles modernes contenant des additifs supportent bien les températures élevées (dans les moteurs de compétition, la température de l'huile dépasse facilement 150 °C); mais dans ces conditions, leur durée est très limitée. Un remplacement fréquent de l'huile s'impose aussi lorsqu'on utilise la voiture pour de courts trajets, par conséquent, sans laisser au moteur le temps d'atteindre sa température de régime. En effet, les démarrages fréquents et la marche à une température trop basse provoquent des infiltrations d'essence dans le lubrifiant et la condensation de vapeurs contenant des substances acides.

 

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